Plus de 34 000 créateurs de musique se sont levés d’une seule voix pour défendre leurs œuvres face aux avancées de l’intelligence artificielle (IA).
Leur pétition, largement relayée par les médias, a fait irruption dans le débat public au moment même où la France accueillait le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle. Ce rassemblement, organisé les 10 et 11 février 2025 au Grand Palais à Paris, visait à poser les bases d’une régulation mondiale de l’IA. Mais ce sont bien les artistes et auteurs qui ont marqué cette édition en dénonçant une menace majeure : l’exploitation de leurs créations par les modèles d’IA générative, sans consentement ni rémunération.
Un cri d’alarme des artistes face aux dérives de l’IA
Depuis plusieurs années, les outils d’IA générative se multiplient, capables de produire textes, images ou musiques en s’inspirant des œuvres existantes. Or, ces algorithmes sont nourris par d’énormes bases de données issues d’Internet, où abondent les œuvres de créateurs, souvent utilisées sans leur autorisation. Une situation que Jean-Jacques Goldman, Bob Sinclar ou encore Kyan Khojandi dénoncent à travers cette tribune collective. Publiée dans Le Parisien, elle souligne un point fondamental : « L’exploitation de nos œuvres sans notre consentement ni contrepartie financière est une atteinte directe à nos droits ».
Ce mouvement de contestation est soutenu par plusieurs grandes organisations, dont la Sacem, l’ADAGP, l’Adami, la Scam, la SGDL et la Spedidam. Leur objectif ? Placer la question du droit d’auteur au cœur des négociations internationales sur l’IA.
Une réponse politique en demi-teinte
L’enjeu a rapidement pris une tournure politique. Lors de son discours d’ouverture du sommet, Emmanuel Macron a rappelé la nécessité de protéger la création face à l’IA, affirmant qu’il fallait « continuer à défendre le droit d’auteur et les droits voisins, à préserver la créativité humaine ». Un engagement réaffirmé lors de la clôture de l’événement, où il a insisté sur un cadre réglementaire garantissant le respect des artistes.
Pourtant, derrière ces déclarations, les négociations ont révélé des divisions profondes entre les États. Alors que 58 pays, dont la France, la Chine et l’Inde, ont signé une déclaration commune appelant à une IA inclusive, éthique et respectueuse des droits de propriété intellectuelle, les États-Unis et le Royaume-Uni ont refusé d’y adhérer. Washington, par la voix de son vice-président JD Vance, a mis en garde contre « une réglementation excessive de l’IA qui pourrait freiner l’innovation ». Une position qui laisse craindre une absence de cadre juridique uniforme à l’échelle mondiale.
Quelle suite pour les créateurs ?
Si le combat pour la protection des œuvres face à l’IA progresse, il est encore loin d’être gagné. La Sacem et les organisations partenaires ne comptent pas relâcher la pression. Elles appellent à des actions concrètes, notamment :
- Une obligation de transparence des entreprises d’IA sur les bases de données qu’elles utilisent pour entraîner leurs modèles.
- Un mécanisme de rémunération automatique des créateurs lorsque leurs œuvres sont exploitées par l’IA.
- Un droit de regard et de retrait pour les artistes souhaitant exclure leurs œuvres de ces bases d’entraînement.
Ces mesures, si elles étaient mises en place, pourraient éviter un scénario où les artistes deviennent les grands perdants de la révolution numérique.