« Relier Parempuyre au tram, c’est une question d’égalité territoriale » : rencontre avec Stéphane Saubusse, de l'asso Tram C à Parempuyre Porte du Médoc
Crédit : Le Bulletin Bordelais

À Parempuyre, l’absence d’une extension du tram C alimente les discussions jusque dans les conversations de comptoir. Car pour beaucoup, les galères quotidiennes pour rejoindre Bordeaux depuis les confins du Sud-Médoc n’ont rien d’un loisir.

Le cliché veut que les habitants de la campagne soient tous véhiculés, ou que les exilés des villes n’aient qu’à mieux s’organiser. Mais la réalité est plus complexe : tout le monde n’a pas les moyens, ni la possibilité, de prendre le volant matin et soir.

L’inégalité d’accès aux transports revient ainsi comme un serpent de mer. Et la question divise : certains riverains ne comprennent pas que l’extension du tram C jusqu’à Parempuyre n’ait toujours pas été remise sur les rails.

Alors que deux études successives ont conclu à l’abandon d’une extension du tramway au-delà de Blanquefort, Le Bulletin Bordelais donne la parole aux membres de l’asso citoyenne « Tram C à Parempuyre Porte du Médoc ».

« Relier Parempuyre au tram, c’est une question d’égalité territoriale » : rencontre avec Stéphane Saubusse, de l'asso Tram C à Parempuyre Porte du Médoc
Crédit : Stéphane Saubusse

En dépit des blocages, l’association continue de défendre avec détermination l’extension de la ligne C, qu’elle considère comme la seule solution efficace pour désenclaver le sud Médoc :

Depuis quand votre association existe-t-elle, et comment est née l’idée de sa création ?

Stéphane Saubusse : L’association Tram C à Parempuyre a été créée il y a 10 ans sur le modèle de son homologue de Blanquefort, dissoute suite à l’arrivée du tram en gare de Blanquefort. Cette dernière extension du tram C avait d’ailleurs amené les mêmes objections et les mêmes études qui prévoyaient 2 000 passagers par jour. Aujourd’hui, nous savons que ces chiffres étaient nettement sous-estimés, puisque l’extension du tram C vers Blanquefort avait, dès sa mise en service, attiré plus de 6 000 usagers quotidiens.

Lors de vos précédentes démarches, avez-vous eu le sentiment d’être suffisamment entendus par les décideurs de la métropole bordelaise ? Quelle a été votre réaction face à leur position ?

Stéphane Saubusse : Au début, nous étions soutenus par la mairie de Parempuyre et d’autres élus du Sud-Médoc, mais la Métropole s’y est toujours opposée pour des raisons avant tout budgétaires. Dans un premier temps, nous avons demandé des rendez-vous pour tenter de les convaincre. Ensuite, nous avons lancé une pétition qui a rassemblé des dizaines de signataires… Aujourd’hui, nous réfléchissons à d’autres moyens d’action et pourrions nous servir des prochaines échéances électorales.

En quoi l’extension de la ligne C du tramway au-delà de Blanquefort vous semble-t-elle bénéfique pour les habitants de Parempuyre, du Pian, de Ludon et plus largement pour les portes du sud Médoc ?

Stéphane Saubusse : Si l’on considère les difficultés de circulation routière sur les axes nord-sud de Blanquefort (Avenue du Général de Gaulle et Avenue du 11 Novembre), avec des bouchons quotidiens aux heures de pointe, il est nécessaire de trouver une solution de transports en commun en site propre pour relier les communes de Parempuyre, du Pian-Médoc et de Ludon au centre de l’agglomération. Plus de la moitié des salariés de ces trois communes travaillent au sud, et la totalité des lycéens et des étudiants sont scolarisés à Blanquefort, ou dans le reste de l’agglomération. Le besoin est donc évident.

Étant donné la densité de l’habitat sur ce secteur, la création d’une nouvelle voie routière est impossible. L’unique solution de mobilité est un transport à haut niveau de service en site propre, interconnecté avec tous les autres réseaux de transport en commun.

Le parking de la gare de Parempuyre, souvent vide, pourrait enfin servir !

Béatrice de François, la maire de Parempuyre, semble favorable à la construction de nouveaux logements sociaux, et la commune continue d’attirer de nouveaux habitants. Pourtant, certains riverains s’inquiètent d’une possible hausse des incivilités avec l’arrivée du tramway, et d’une détérioration du cadre de vie. Quelle est votre position sur ce sujet sensible ? Faut-il, selon vous, renoncer au tramway pour préserver la tranquillité locale, ou est-ce un sacrifice à faire pour un meilleur service de transport ?

Stéphane Saubusse : Le tram n’est pas un vecteur de délinquance ou d’incivilités. Bien au contraire ! Sur l’agglomération bordelaise, il a permis de désenclaver des quartiers entiers sur la Rive droite, à Bègles, à Bacalan ou à Pessac. Même dans les quartiers « difficiles », les stations de tram ne sont pas des lieux dangereux…

À Blanquefort, la seule nuisance que subissent les riverains de la gare est la circulation supplémentaire due au fait qu’ils soient proches du terminus de la ligne et du parc relais. L’extension jusqu’à Parempuyre leur rendrait la vie plus facile sans « agiter » la nouvelle commune terminus.

Des études qui concluent à l’abandon : vraiment définitives ? Deux études techniques ont été menées, par SYSTRA (2018) et INGEROP (2021). Toutes deux concluent à l’abandon de l’extension du tram jusqu’à Blanquefort. Que pensez-vous de ces conclusions ? Les trouvez-vous justifiées, ou remettables en question ?

Stéphane Saubusse : Comme je l’ai déjà dit, leurs chiffres de fréquentation sont sous-estimés. Depuis 20 ans, le tram déjoue les pronostics. Le fond du problème est politique : est-on prêt à désenclaver le Médoc ? Est-on prêt à investir pour cela ?

Le coût faramineux du BHNS (ligne G) montre qu’aucune alternative n’est beaucoup moins chère.

Et s’il fallait penser autrement ? Si l’extension du tramway reste écartée, quelles alternatives vous semblent réalistes pour améliorer la desserte de Parempuyre ? Seriez-vous favorables, par exemple, à un bus à haut niveau de service (BHNS), ou à une intégration plus efficace au futur RER métropolitain ?

Stéphane Saubusse : Il est certain que le RER métropolitain améliorera notre situation, mais l’augmentation des cadences conduira à terme à un doublement des voies, qui sera un investissement bien plus coûteux que l’extension du tram.

En ce qui concerne le BHNS, il ne sera pas gratuit et il sera difficile à réaliser sur les voies existantes.

Dans un contexte de transition écologique et de tension autour du logement, comment percevez-vous le rôle des transports publics pour accompagner l’évolution de votre territoire ?

Stéphane Saubusse : Pour bien faire, les infrastructures de transports en commun doivent être synchrones avec la construction de logements. Aujourd’hui, dans le sud-Médoc, nous devons rattraper le retard accumulé depuis des décennies. L’étalement urbain est désormais derrière nous. C’est ce retard qui est la cause des problèmes de circulation observés à Blanquefort actuellement.

L’extension du tram C et l’arrivée du RER métropolitain sont urgents. En étant connectés avec les réseaux de transports régionaux, les pistes cyclables et les aires de covoiturage, ils doivent permettre la réduction de l’autosolisme.

Si vous pouviez adresser un message aux élus et décideurs de la métropole bordelaise, quel serait-il aujourd’hui ?

Stéphane Saubusse : Soyez ambitieux pour le territoire et pensez aux Sud-Médocains qui travaillent et étudient dans la métropole, mais aussi aux Bordelais ou aux Mérignacais qui souhaitent s’oxygéner dans le nord de l’agglomération. Notre secteur doit avoir le même niveau d’équipement que le reste de la métropole. Aujourd’hui, sans l’extension du tram C, le compte n’y est pas.

Pour conclure, Avez-vous un témoignage, une anecdote ou un exemple concret d’un habitant pour qui cette extension changerait véritablement la vie au quotidien ?

Stéphane Saubusse : Je vais simplement me prendre pour exemple. Je travaille actuellement dans un lycée au centre de Bordeaux. Lorsque je souhaite rentrer chez moi au Pian-Médoc, le plus simple est pour moi de prendre le tram C jusqu’au terminus de la gare de Blanquefort, puis de monter dans un bus de la ligne 22 jusqu’à l’arrêt Vila. Je fais le reste à pied. Aux heures de pointe, il me faut 30 minutes de tram et en moyenne 40 minutes de bus, avec une rupture de charge et le risque de monter dans un bus bondé aux heures de sortie du lycée. Avec l’extension de la ligne C, le trajet total ne dépasserait pas 40 minutes. À peu près une heure gagnée par jour !

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