Affaire Antoine Boudinet : la justice confirme le non-lieu, un combat judiciaire sans issue ?
Crédit : AFP

Près de six ans après avoir perdu sa main droite en ramassant une grenade GLI-F4 lors d’une manifestation des Gilets jaunes à Bordeaux, Antoine Boudinet voit son combat judiciaire s’éteindre avec la confirmation du non-lieu par la cour d’appel.

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Cette décision met un terme à une procédure longue et controversée, soulevant des interrogations sur la gestion des violences policières en France.

Le 8 décembre 2018, alors que la mobilisation des Gilets jaunes bat son plein, Bordeaux est le théâtre d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Antoine Boudinet, natif de Bayonne et résidant en Gironde, participe à la mobilisation. Vers 18h30, place Pey-Berland, il ramasse une grenade lacrymogène GLI-F4, alors largement utilisée par les forces de l’ordre pour disperser la foule. L’engin explose instantanément, lui arrachant la main droite.

La grenade GLI-F4, contenant 25 grammes de TNT, est l’une des plus puissantes utilisées en maintien de l’ordre en Europe. Déjà critiquée pour ses effets dévastateurs, elle sera finalement interdite en France en janvier 2020, notamment après plusieurs affaires de mutilations.

Un parcours judiciaire entravé

Quelques jours après l’accident, Antoine Boudinet porte plainte contre X pour “mutilation volontaire” et vise particulièrement la préfecture de la Gironde et le ministère de l’Intérieur, les accusant de violences illégitimes. L’affaire est confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), mais l’enquête piétine.

En juin 2019, le parquet de Bordeaux classe la plainte sans suite, invoquant l’impossibilité d’identifier précisément l’auteur du lancer de grenade. Selon l’IGPN, la confusion des affrontements et l’absence de vidéos exploitables empêchent de déterminer qui a tiré l’engin explosif. Face à cette décision, Antoine Boudinet décide d’aller plus loin en relançant l’affaire.

En 2022, une nouvelle plainte avec constitution de partie civile est déposée, permettant la désignation d’un juge d’instruction. Cependant, après plusieurs mois d’investigation, aucune responsabilité directe n’est établie. En décembre 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux prononce un non-lieu, confirmant ainsi l’absence de poursuites contre les forces de l’ordre.

Le 10 février 2024, la cour d’appel de Bordeaux rejette la demande d’Antoine Boudinet et confirme définitivement le non-lieu, actant la fin des poursuites judiciaires.

Affaire Antoine Boudinet : la justice confirme le non-lieu, un combat judiciaire sans issue ?

Un verdict contesté

La décision suscite l’indignation de nombreuses associations de défense des droits humains et des victimes de violences policières. L’avocat d’Antoine Boudinet dénonce un “déni de justice”, estimant que l’inertie des autorités empêche toute possibilité d’identifier le policier responsable du tir.

De son côté, Antoine Boudinet exprime sa colère face à un système judiciaire qu’il juge partial :
“On nous dit qu’il n’y a pas de responsable, mais la réalité, c’est qu’il y a un coupable : l’État et ses méthodes de répression.”

Cette affaire soulève une question récurrente dans les dossiers de violences policières : l’identification des agents responsables des blessures causées en manifestation. L’usage généralisé des casques, le manque de caméras embarquées et l’absence de traçabilité des tirs rendent quasi impossible l’imputation des faits à un agent spécifique.

Un engagement politique et militant

Au-delà du combat judiciaire, Antoine Boudinet a transformé son drame en engagement politique. En 2020, il devient conseiller municipal à Bordeaux sur une liste écologiste, avec un axe fort : lutter contre l’usage des armes explosives en manifestation. Il milite activement pour une refonte des techniques de maintien de l’ordre, estimant que la répression des manifestations en France est disproportionnée et dangereuse.

Par ailleurs, il continue de porter la voix des blessés des mouvements sociaux, aux côtés d’autres figures marquantes des Gilets jaunes, comme Jérôme Rodrigues ou Maxime Nicolle, eux aussi victimes de mutilations.

L’affaire Antoine Boudinet vient s’ajouter à une longue liste de cas similaires ayant marqué la contestation sociale en France. Depuis 2018, des dizaines de manifestants ont été gravement blessés par des armes dites “non létales” comme les grenades de désencerclement ou les tirs de LBD (lanceurs de balles de défense).

L’ONU elle-même a pointé du doigt l’usage excessif de la force par les autorités françaises, demandant en 2019 une révision des méthodes de maintien de l’ordre.

Une bataille perdue, mais un combat qui continue

Avec ce non-lieu confirmé par la cour d’appel, la voie judiciaire se referme définitivement pour Antoine Boudinet. Mais loin d’abandonner, il continue son engagement sur le terrain politique et associatif, dénonçant ce qu’il considère comme une impunité organisée des forces de l’ordre.

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