L’affrontement entre Witick, une start-up bordelaise spécialisée dans la vente numérique de titres de transport, et Keolis Bordeaux Métropole (KBM), opérateur du réseau de transports TBM, a pris un tournant décisif.
En moins d’un an, cette bataille commerciale et judiciaire a secoué les fondations de la vente dématérialisée des tickets de transport à Bordeaux, avec deux victoires majeures pour Witick.
Un partenariat prometteur qui se termine mal
L’histoire entre Witick et TBM débute en 2021 sous de bons auspices. Witick lance son application de vente et de validation de titres de transport électroniques. Ce service, qui permet aux usagers d’acheter leurs tickets depuis leurs smartphones (et même via des montres connectées), connaît rapidement un large succès. Au sommet de son activité, Witick représente jusqu’à 30 % des ventes totales de tickets pour TBM, un chiffre sans précédent en France pour une solution de ce type.
Pourtant, ce partenariat entre Witick et Keolis Bordeaux Métropole se dégrade. Les deux parties, qui avaient signé un contrat de collaboration, se retrouvent en désaccord sur les conditions financières et commerciales. Selon Witick, les négociations échouent, notamment sur des questions de rémunération des services fournis et des frais associés à la plateforme. En conséquence, TBM décide de rompre unilatéralement le contrat, laissant Witick dans une position délicate.
Le tribunal prend position : TBM doit payer
C’est dans ce contexte de rupture que Witick se tourne vers la justice. Le tribunal de commerce de Bordeaux intervient en référé (procédure d’urgence) et ordonne à Keolis Bordeaux Métropole de régler trois factures impayées à Witick. Cette décision marque une première victoire importante pour la start-up, soulignant que les engagements financiers pris par TBM envers Witick doivent être honorés.
Cette victoire judiciaire, bien que ponctuelle, met en lumière les tensions entre les acteurs traditionnels du secteur (les opérateurs de transport public) et les nouveaux entrants numériques, comme Witick, qui bousculent les modèles existants.
L’Autorité de régulation des transports entre en scène
Mais la véritable révolution intervient avec l’intervention de l’Autorité de régulation des transports (ART). L’ART, qui a pour mission de veiller à l’équilibre du marché et à l’ouverture à la concurrence dans les transports publics, décide de se prononcer en faveur de Witick. Elle enjoint à TBM de permettre à Witick de continuer à vendre des titres de transport électroniques pour l’ensemble du réseau bordelais.
Cette décision a un impact majeur : elle ouvre la voie à d’autres acteurs pour intervenir sur le marché de la vente dématérialisée de billets. En d’autres termes, elle affaiblit le monopole de TBM en matière de distribution de titres et favorise une plus grande concurrence dans ce secteur clé des transports publics.
Vers un modèle multi-acteurs pour la vente de tickets ?
La décision de l’ART pose la question d’un futur possible où plusieurs plateformes numériques pourraient coexister pour la vente de titres de transport dans les réseaux publics. En permettant à Witick de continuer à vendre ses titres pour TBM, l’Autorité de régulation semble non seulement soutenir l’innovation, mais aussi encourager une plus grande diversité dans l’offre disponible pour les usagers.
Si cette dynamique se généralise à d’autres villes et réseaux de transports, le modèle traditionnel de vente via des canaux centralisés par les opérateurs pourrait être remis en cause. Des entreprises comme Witick, mais aussi potentiellement d’autres start-up, pourraient désormais rivaliser avec les acteurs historiques, offrant des solutions plus flexibles, plus accessibles et plus modernes pour les usagers des transports publics.
Un enjeu de taille pour l’avenir du transport public
Ces récentes victoires de Witick sont bien plus qu’une simple affaire commerciale entre deux entreprises. Elles interviennent dans un contexte où les technologies numériques prennent de plus en plus de place dans le secteur des transports publics. Alors que les usagers exigent des solutions plus simples, plus rapides et plus diversifiées, le marché de la vente de tickets dématérialisés devient un enjeu stratégique majeur.
Les décisions du tribunal et de l’Autorité de régulation des transports annoncent peut-être un tournant dans l’évolution de ce marché. Dans un avenir proche, d’autres acteurs pourraient suivre l’exemple de Witick et prendre une place importante dans la distribution des titres de transport. Ce qui pourrait transformer en profondeur les habitudes des voyageurs, tout en redéfinissant les relations entre opérateurs publics et entreprises numériques.
Conclusion
L’affaire Witick contre TBM révèle un tournant dans le secteur du transport public. L’ouverture à la concurrence, soutenue par l’Autorité de régulation des transports, pourrait offrir aux usagers davantage de choix et de flexibilité. Cette bataille entre une start-up innovante et un opérateur historique illustre l’évolution d’un secteur où la technologie et la régulation pourraient bien bousculer les pratiques établies. Si Witick a remporté une victoire juridique, elle pourrait aussi, à terme, ouvrir la voie à un avenir où plusieurs plateformes numériques viendront enrichir l’offre de transport dans les grandes métropoles françaises.