Bordeaux, ville de pierre et d’eau, s’est aussi construite sur un maillage dense de rails aujourd’hui en partie effacé par l’urbanisation.
Jadis, le grondement des locomotives rythmait la vie de ses quartiers, reliant la ville aux vignobles, aux ports et aux bastions industriels de la région. Mais à mesure que la modernisation du réseau ferroviaire a recentré les flux sur la gare Saint-Jean et que le transport routier a pris le relais, certaines infrastructures sont tombées dans l’oubli. Aujourd’hui, ces anciennes voies ferrées, vestiges d’un passé industriel et marchand florissant, connaissent des destins contrastés : certaines ont disparu sous le béton, d’autres ont été réhabilitées en espaces de vie, et quelques-unes subsistent en témoins silencieux d’une époque révolue.
Un passé ferroviaire foisonnant
Dès le milieu du XIXe siècle, Bordeaux devient un nœud ferroviaire stratégique, connecté aux grands axes reliant Paris, Toulouse ou encore le Pays Basque. Plusieurs lignes secondaires irriguent alors la métropole et ses environs, répondant aux besoins du transport des marchandises et des voyageurs.
La ligne de ceinture : un anneau ferroviaire aujourd’hui méconnu

Peu de Bordelais le savent, mais un anneau ferroviaire ceinturait autrefois la ville. La ligne de ceinture de Bordeaux, mise en service à partir de 1852, reliait les principales zones industrielles et portuaires. Ce réseau stratégique permettait d’acheminer céréales, vins et marchandises vers les quais de la Garonne ou les grands centres d’échange.
Avec le déclin du fret ferroviaire et la restructuration du transport urbain, cette ligne a été peu à peu abandonnée. Aujourd’hui, certains tronçons ont laissé place à des boulevards ou des espaces verts, tandis que d’autres demeurent visibles, envahis par la végétation ou reconvertis en promenades piétonnes.
La gare des Chartrons : vestige d’un Bordeaux marchand

Autrefois poumon logistique du commerce du vin, la gare des Chartrons, inaugurée en 1883, permettait l’expédition des tonneaux vers les ports de l’Atlantique et les grandes villes françaises. Située au cœur du quartier emblématique du négoce bordelais, elle était un passage obligé pour les convois ferroviaires chargés de barriques précieuses.
Désaffectée au fil du XXe siècle, la gare a été détruite, ne laissant aujourd’hui que quelques vestiges intégrés à l’urbanisme moderne. Pourtant, certaines rues conservent la mémoire de cette époque, avec leurs rails enfouis sous l’asphalte et leurs entrepôts reconvertis en lofts et commerces branchés.
Des reconversions audacieuses et des projets d’avenir
Si certaines infrastructures ferroviaires ont disparu sous le développement urbain, d’autres ont connu une seconde vie grâce à des projets de réhabilitation innovants.
La voie ferrée de la Jalle : un sentier au cœur de la nature
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Anciennement utilisée pour acheminer les marchandises entre Bordeaux et la région du Médoc, la voie ferrée longeant la Jalle a été abandonnée dans les années 1960. Au lieu de laisser ces infrastructures se délabrer, un projet de reconversion a vu le jour : aujourd’hui, cette ancienne ligne est devenue un sentier de randonnée et de pistes cyclables prisé des Bordelais en quête de nature.
Cet aménagement offre un compromis entre patrimoine et écologie, permettant de redonner vie à une infrastructure obsolète tout en favorisant une mobilité douce.
Le tramway : quand l’ancien rail inspire le transport moderne

Ironie du sort, alors que certaines voies ferrées disparaissaient, Bordeaux réintroduisait un mode de transport sur rails : le tramway. Si le réseau actuel n’emprunte pas directement les anciennes lignes ferroviaires, il en a parfois suivi la logique. Le tramway a réinvesti des corridors urbains autrefois dévolus aux trains, permettant de fluidifier les déplacements tout en redonnant une place aux rails dans le paysage bordelais.
Les anciennes voies ferrées de Bordeaux constituent un patrimoine discret mais essentiel, témoin du passé industriel et commercial de la ville. Leur réhabilitation en espaces de vie ou en infrastructures modernes souligne l’importance de préserver ces vestiges tout en les adaptant aux besoins contemporains.
