Mobilisation pour les écoles des Aubiers : une bataille pour l’éducation prioritaire

À Bordeaux, le quartier des Aubiers est en ébullition.

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Parents d’élèves et enseignants s’organisent pour bloquer les écoles en réaction à une décision qui pourrait bouleverser le quotidien des élèves : la suppression du dispositif des classes dédoublées et la sortie potentielle de leurs établissements du réseau d’éducation prioritaire (REP).

Si cette réforme venait à être appliquée, elle marquerait un tournant dans la politique éducative locale, avec des conséquences qui dépasseraient largement les grilles des écoles du quartier. Pour bien comprendre les enjeux, il est essentiel de revenir sur le fonctionnement de l’éducation prioritaire, les raisons de cette mobilisation et les conséquences possibles pour les élèves.

Un dispositif en péril : l’éducation prioritaire et les classes dédoublées

Depuis 1981, l’éducation prioritaire vise à réduire les inégalités scolaires en accordant davantage de moyens aux établissements situés dans des quartiers défavorisés. Ce dispositif repose sur un principe simple : donner plus à ceux qui en ont le plus besoin.

Parmi les mesures phares, le dédoublement des classes de CP et CE1, instauré progressivement depuis 2017, permet de diviser par deux le nombre d’élèves par enseignant, passant ainsi de 24 à 12. L’objectif est d’offrir un meilleur encadrement et de renforcer l’accompagnement pédagogique pour éviter que les écarts ne se creusent dès les premières années de scolarité.

Cependant, un rapport parlementaire publié en juillet 2023 remet en question ce fonctionnement. Il préconise de conserver uniquement les REP+ (qui concernent les quartiers les plus en difficulté) et de supprimer le statut de REP au profit d’une allocation budgétaire versée directement aux établissements. Ce changement repose principalement sur deux arguments avancés par le ministère de l’Éducation nationale.

D’une part, la France connaît une baisse du nombre d’élèves scolarisés. D’ici 2030, on estime que près de 500 000 élèves de moins seront inscrits dans les écoles primaires et secondaires. Face à cette diminution, certains considèrent que le maintien du dispositif actuel n’est plus nécessaire et qu’une redistribution des moyens permettrait d’optimiser les ressources.

D’autre part, cette réforme s’inscrit dans une volonté de donner plus d’autonomie aux établissements scolaires. Plutôt que de les classer en REP de manière rigide, le ministère envisage un modèle plus souple où chaque école pourrait recevoir des aides adaptées à ses besoins spécifiques. Ce changement impliquerait toutefois la fin des classes dédoublées généralisées et une possible augmentation des effectifs par classe.

Mobilisation pour les écoles des Aubiers : une bataille pour l’éducation prioritaire
Crédit : Philippe Poutou (x)

Pourquoi les écoles des Aubiers sont-elles concernées ?

Les écoles du quartier des Aubiers figurent parmi celles qui pourraient sortir du dispositif REP. Pourtant, les difficultés qu’elles rencontrent sont nombreuses.

Le quartier connaît un taux de pauvreté élevé, avec une forte proportion de familles en situation de précarité. L’éducation prioritaire joue un rôle crucial en permettant de compenser certaines inégalités et en offrant aux élèves un cadre plus favorable à leur réussite scolaire.

Par ailleurs, la diversité linguistique du quartier représente un défi supplémentaire. De nombreux enfants ne parlent pas français à la maison et nécessitent un accompagnement spécifique pour s’intégrer pleinement au système scolaire. Sans les moyens supplémentaires liés au statut de REP, cet accompagnement pourrait devenir insuffisant.

Enfin, malgré leur classement en éducation prioritaire, les établissements des Aubiers souffrent déjà d’un manque de moyens. Les pénuries de remplaçants sont fréquentes et le manque de personnel pour l’encadrement des élèves pèse sur la qualité de l’enseignement. La suppression du REP risquerait donc d’aggraver une situation déjà fragile.

Les inquiétudes des enseignants et des parents d’élèves

Face à cette réforme, parents et enseignants expriment plusieurs inquiétudes.

L’une des principales craintes concerne l’augmentation des effectifs par classe. Le passage de 12 à 24 élèves en CP et CE1 réduirait considérablement le temps d’accompagnement individuel, ce qui pourrait pénaliser les élèves les plus en difficulté.

Cette évolution pourrait aussi avoir un impact sur le niveau scolaire général. Depuis la mise en place des classes dédoublées, plusieurs études ont montré une amélioration des résultats en lecture et en mathématiques pour les élèves des zones prioritaires. Avec la disparition de ce dispositif, les écarts risquent de se creuser à nouveau.

Les conditions d’apprentissage risquent également de se dégrader. Aujourd’hui, les enseignants bénéficient de davantage de temps pour identifier et aider les élèves qui en ont le plus besoin. Si les classes retrouvent leur taille d’origine, il sera plus difficile d’offrir un suivi personnalisé et de répondre aux besoins spécifiques de chaque enfant.

Enfin, certains redoutent une perte d’attractivité des écoles du quartier. Avec moins de moyens et des conditions d’apprentissage détériorées, certains parents pourraient être tentés d’inscrire leurs enfants ailleurs, ce qui affaiblirait encore davantage ces établissements.

Une mobilisation croissante dans le quartier

Face à ces menaces, la mobilisation s’organise aux Aubiers. Les parents d’élèves et les enseignants ont décidé d’agir pour alerter les pouvoirs publics et tenter d’inverser la tendance.

Dans les prochains jours, plusieurs actions sont prévues. Le blocage des écoles est l’une des premières mesures envisagées. Les associations de parents d’élèves ont également lancé des pétitions et adressé des courriers aux élus locaux pour demander le maintien du statut REP et des classes dédoublées. Un rassemblement pourrait également être organisé devant le rectorat afin d’exiger des garanties sur la pérennité des moyens accordés aux établissements du quartier.

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