Le château de Lormont : ombres médiévales et grandeur princière, qui était le Prince Noir?

Surplombant la Garonne, face à Bordeaux, le château de Lormont déploie sa silhouette chargée d’histoire, comme un livre de pierre où se mêlent épopées chevaleresques, intrigues religieuses et reconstructions successives.

Cet édifice, également appelé château des Archevêques ou château du Prince Noir, est l’un des joyaux méconnus du patrimoine bordelais. Témoin des ambitions des ducs d’Aquitaine, repaire d’un prince de légende et survivant des affres de l’Histoire, il demeure une pièce maîtresse du récit de la région.

Mais qui était donc ce Prince Noir, dont le nom continue d’enflammer l’imaginaire ? Pourquoi cet endroit fut-il choisi pour accueillir rois, archevêques et stratèges militaires ?

Voyageons ensemble à travers les âges, dans un château où chaque pierre semble murmurer les récits du passé.

Aux origines du château : une forteresse sur les hauteurs de Bordeaux

Le château de Lormont : ombres médiévales et grandeur princière, qui était le Prince Noir?

Avant même que ne s’élèvent ses murailles médiévales, Lormont était un site d’importance stratégique. Dès l’Antiquité, les Romains y exploitent un poste avancé, profitant de sa position dominante sur la Garonne. Mais c’est véritablement au XIᵉ siècle que le destin du lieu bascule, lorsqu’un grand seigneur d’Aquitaine décide d’y édifier une forteresse.

En 1060, le duc Guillaume VIII d’Aquitaine, également comte de Poitiers, fait bâtir un premier château pour contrôler l’accès à Bordeaux. À cette époque, la Garonne est l’une des voies commerciales et militaires les plus cruciales du royaume. Un château sur ses rives, c’est une porte sur le monde, une clé vers la richesse et le pouvoir.

Très vite, l’Église perçoit l’intérêt du site. Les archevêques de Bordeaux, figures influentes du Moyen Âge, en font leur résidence d’été. Ils y restent pendant plusieurs siècles, transformant peu à peu la forteresse en un palais raffiné, tout en conservant son caractère défensif.

L’arrivée du Prince Noir : l’épopée d’un conquérant

Le château de Lormont : ombres médiévales et grandeur princière, qui était le Prince Noir?

C’est au XIVᵉ siècle qu’un personnage hors du commun marque l’histoire du château : Édouard de Woodstock, plus connu sous le nom de Prince Noir.

Né en 1330, ce fils aîné du roi Édouard III d’Angleterre grandit dans un climat de guerre. L’Europe est alors secouée par la guerre de Cent Ans, qui oppose la France et l’Angleterre dans un combat acharné pour la couronne. Dès son plus jeune âge, Édouard démontre un brillant génie militaire et une férocité au combat qui lui vaudront son célèbre surnom.

Pourquoi “Prince Noir” ? Deux hypothèses s’affrontent. Certains prétendent que ce nom vient de la couleur sombre de son armure de bataille. D’autres suggèrent qu’il fut ainsi nommé par ses adversaires, en raison de la terreur qu’il inspirait sur le champ de bataille.

En 1355, il est nommé Lieutenant général d’Aquitaine et fait de Bordeaux son quartier général. Durant ses campagnes, il lance des raids d’une violence inouïe à travers le Sud-Ouest, pillant, incendiant et brisant les armées françaises. Le château de Lormont devient l’un de ses repaires stratégiques, un poste avancé depuis lequel il surveille les voies de communication et organise ses attaques.

Son coup d’éclat survient en 1356, lors de la célèbre bataille de Poitiers. À la tête de ses troupes, il inflige une défaite humiliante aux Français et capture même leur roi, Jean II le Bon. Un exploit qui assoit sa légende et renforce la présence anglaise en Aquitaine.

Mais la gloire du Prince Noir sera de courte durée. Usé par des années de combats et atteint d’une maladie mystérieuse, il meurt en 1376, à seulement 45 ans, sans jamais devenir roi. Son fils, Richard II, héritera de la couronne, mais l’Empire Plantagenêt vacille.

Destruction, renaissance et métamorphoses

Le château de Lormont : ombres médiévales et grandeur princière, qui était le Prince Noir?

Avec la fin de la guerre de Cent Ans et la reconquête de l’Aquitaine par les Français en 1453, le château de Lormont entre dans une nouvelle ère. Dévasté par les conflits, il est reconstruit à plusieurs reprises, notamment sous la direction de l’architecte Henri Roche au XVIIᵉ siècle.

Les archevêques, redevenus maîtres des lieux, lui donnent une allure plus classique et raffinée, entre château de plaisance et résidence spirituelle. Mais la Révolution française vient briser cette tranquillité : en 1789, le château est confisqué et vendu comme bien national.

Le XIXᵉ siècle marque une nouvelle transformation. En 1876, un industriel allemand, M. Sacher, rachète le domaine et le pare d’éléments néogothiques : tourelles crénelées, fenêtres ogivales, donnant à l’édifice son apparence actuelle, entre château médiéval revisité et demeure romantique.

Le château aujourd’hui : entre mémoire et modernité

Le château de Lormont : ombres médiévales et grandeur princière, qui était le Prince Noir?
Crdit: Château du Prince Noir FB

De nos jours, le château de Lormont est une propriété privée. Restauré avec soin, il accueille des bureaux et un restaurant, tout en préservant son cachet historique. Si ses murailles ne résonnent plus du fracas des armures, elles conservent l’empreinte des siècles passés, et l’ombre du Prince Noir continue de hanter ses couloirs.

Mais cette mémoire ne demande qu’à être ravivée. Pourquoi ne pas imaginer un musée, une mise en lumière de ce pan oublié de l’histoire bordelaise ? L’engouement pour le patrimoine et les récits épiques pourrait bien offrir une seconde jeunesse à ce site exceptionnel.

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