Depuis l’aube du vendredi 7 février, une cinquantaine de salariés de Lidl ont convergé vers la direction régionale de l’enseigne à Cestas, en Nouvelle-Aquitaine.
Devant ce centre névralgique, qui abrite également l’un des principaux entrepôts logistiques de la région, ils dénoncent des conditions de travail devenues intenables. Ce mouvement s’inscrit dans une mobilisation nationale d’ampleur, lancée à l’appel d’une intersyndicale inédite, regroupant la CGT, FO, la CFDT et la CFE-CGC. La particularité du mouvement réside dans cette alliance syndicale rarement observée, témoignant d’un ras-le-bol profond et transversal au sein de l’entreprise.
Une colère nourrie par des conditions de travail dégradées
Les revendications des grévistes s’articulent autour de plusieurs points, mais le déclencheur principal de cette mobilisation réside dans la décision de Lidl d’instaurer, à compter du 1er juin, l’ouverture systématique des magasins le dimanche et les jours fériés, sans renfort de personnel ni contrepartie financière. Pour les salariés, déjà sous pression, cette mesure constitue un point de rupture.
Employés depuis des années à l’entrepôt de Cestas, des salariés décrivent un quotidien déjà éprouvant, où chaque journée est une course contre la montre. Le samedi, en particulier, met les équipes à rude épreuve, et l’idée d’absorber en plus les livraisons du dimanche et du lundi apparaît comme une surcharge insoutenable. Une mécanique implacable, où l’épuisement entraînera inévitablement une hausse des accidents et des arrêts maladie.
L’intersyndicale abonde dans son sens, dénonçant un épuisement généralisé des équipes, aggravé par des cadences infernales et des exigences de performance toujours plus élevées. Des salariés de la plateforme logistique auraient exprimé des propos suicidaires, alertent les représentants syndicaux.
“On est à bout”, souffle l’un d’eux.
Un dialogue social au point mort
Les tensions ne datent pas d’hier, mais elles atteignent aujourd’hui un seuil critique. Selon les syndicats, les négociations annuelles obligatoires (NAO) se sont soldées par une fin de non-recevoir de la direction, qui refuse d’entendre les revendications salariales et les alertes sur la détérioration des conditions de travail.
Les revendications des salariés sont pourtant claires :
- Une revalorisation salariale de 2 %, contre 1,2 % proposé par la direction.
- Un encadrement strict de l’ouverture dominicale, qui ne devrait se faire qu’au cas par cas et sur la base du volontariat.
- Une amélioration des conditions de travail, en réduisant notamment les cadences imposées.
- Une meilleure reconnaissance de la pénibilité du travail en entrepôt et en magasin.
Mais la direction fait la sourde oreille, aggravant le ressentiment d’un personnel qui se sent abandonné. “Les décisions sont prises de manière unilatérale, sans tenir compte des réalités du terrain”, s’indigne un syndicaliste.
Une mobilisation inédite et un conflit qui s’enracine
Au niveau national, la grève a entraîné la fermeture temporaire de plusieurs magasins, notamment à Bordeaux, Lesparre et Pauillac. À La Teste, un magasin est resté portes closes toute la journée, faute de personnel disponible. La grogne dépasse largement le cadre de Cestas, illustrant un malaise généralisé au sein du groupe.
Ce qui frappe dans ce mouvement, c’est son caractère historique. “C’est la première fois que le syndicat des cadres rejoint le mouvement”, souligne un gréviste. “Quand même eux s’y mettent, c’est un signal fort que quelque chose ne va plus.”
Face à cette mobilisation massive et au silence persistant de la direction, les grévistes de Cestas envisagent désormais d’autres formes d’action : débrayages ponctuels, blocages ciblés ou encore ralentissement volontaire de l’activité logistique. “On ne lâchera pas tant qu’on n’aura pas été entendus”, assure un manifestant.