De nombreuses femmes se voient contraintes de suspendre leur activité professionnelle en raison des tarifs exorbitants des modes de garde pour enfants.
Cette situation, bien souvent subie, bouleverse non seulement leur carrière, mais aussi leur équilibre familial et l’économie nationale.
Selon la Caisse d’Allocations Familiales (CAF), une place en crèche coûte entre 0,15 € et 3,71 € de l’heure, en fonction des revenus des familles. Pour une garde de 35 heures par semaine, la facture mensuelle peut ainsi varier de 210 € à 518 €, une somme qui pèse lourdement sur le budget des ménages, surtout lorsqu’il s’agit d’un deuxième enfant.
Les assistantes maternelles, souvent perçues comme une alternative plus souple, ne sont pas forcément plus abordables : le tarif moyen en France s’élève à 3,96 € de l’heure, avec des disparités régionales importantes. En Corse, il atteint 4,86 €, tandis que dans la Drôme, il descend à 3,15 €. Pour une garde à domicile, la solution la plus coûteuse, la facture explose avec un tarif horaire moyen de 10,50 €.
Face à ces montants, certaines femmes doivent faire un choix radical : arrêter de travailler, car leur salaire ne permet pas de couvrir les frais de garde.
Marie, 32 ans, assistante commerciale à Bordeaux, a dû mettre sa carrière en pause après la naissance de son deuxième enfant :
« Avec mon salaire, une fois les frais de crèche et les trajets déduits, il ne me restait que quelques centaines d’euros à la fin du mois. Travailler pour si peu d’argent, avec en plus la charge mentale et la fatigue accumulée… ça n’avait plus de sens. J’ai donc pris la décision de rester à la maison, mais ce n’était pas un choix, c’était une contrainte. »
Sophie, 28 ans, a tenté de jongler entre son emploi et la garde de son bébé avant de renoncer :
« J’ai repris mon poste en pensant que nous allions nous en sortir financièrement. Mais entre les frais de garde et les imprévus, chaque mois nous étions à découvert. J’ai fini par arrêter de travailler, en me disant que je reprendrais plus tard, mais je sais que ce sera difficile. »
Un impact direct sur l’emploi féminin
Cette réalité a des conséquences lourdes sur le taux d’emploi des femmes. En 2021, 30 % des parents ayant entrepris des démarches pour obtenir une place en crèche ont essuyé un refus, selon le Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA). Cette pénurie oblige certaines mères à renoncer temporairement ou définitivement à leur emploi.
Une étude de la DARES révèle que les femmes interrompant leur carrière après une naissance sont souvent des ouvrières ou employées, moins diplômées, et issues de familles nombreuses. 50 % d’entre elles auraient préféré continuer à travailler si une solution de garde abordable avait été disponible.
Des conséquences durables sur la carrière et la retraite
L’arrêt de travail forcé de ces femmes n’est pas anodin :
- Perte d’expérience professionnelle
- Progression salariale ralentie
- Moins de droits à la retraite
Une analyse publiée dans la Revue de l’OFCE indique que les femmes n’ayant jamais interrompu leur carrière gagnent en moyenne 23 % de plus que celles ayant pris un congé prolongé pour élever leurs enfants.
Bordeaux : une situation encore plus critique
Dans la métropole bordelaise, la situation est particulièrement tendue. Les tarifs en crèche sont comparables à ceux du reste du pays, mais la pénurie de personnel aggrave encore le problème. En 2023, environ 70 postes étaient vacants, entraînant la fermeture temporaire d’une centaine de berceaux. Le taux d’attribution des places a chuté de 57 % en 2022 à 50 % en 2023.
Claire, une Bordelaise de 34 ans, témoigne :
« Après mon congé maternité, j’ai cherché une place en crèche, mais c’était mission impossible. Les assistantes maternelles coûtaient trop cher. J’ai dû quitter mon emploi, et maintenant je redoute le moment où je devrai reprendre. »
Quelles solutions pour éviter l’exclusion des mères du marché du travail ?
Face à ce constat, des mesures sont envisagées pour faciliter l’accès aux crèches :
- Création de 200 000 nouvelles places d’ici 2030
- Revalorisation des salaires du personnel de crèche pour éviter la pénurie
- Répartition plus équitable du congé parental entre les deux parents
Cependant, ces solutions restent insuffisantes tant que le coût des crèches reste trop élevé pour une large part des ménages.
En attendant, des milliers de mères sont toujours confrontées au même dilemme : travailler pour payer une garde d’enfant qui absorbe la moitié de leur salaire, ou sacrifier leur carrière pour rester à la maison.
Un choix qui, bien souvent, n’en est pas un.