C’est une affaire médicale devenue judiciaire, puis emblématique. Treize ans après les faits, le tribunal correctionnel de Bordeaux a reconnu une série de fautes graves dans la prise en charge de Priscilla Dray, une patiente amputée des quatre membres après une infection non traitée à temps.
Les audiences se sont tenues en février dernier, dans un climat tendu. Deux médecins comparaissaient pour blessures involontaires : le Dr Martial Dekhili, de garde lors du premier passage de la patiente aux urgences du CHU de Bordeaux, et le Dr François Vandenbosche, chef de clinique le lendemain. Tous deux ont été confrontés à une question centrale : comment une femme jeune, en bonne santé, venue consulter deux fois en moins de 24 heures, a-t-elle pu ressortir amputée des bras et des jambes ?
Les faits remontent au 23 juillet 2011. Priscilla Dray, 36 ans, arrive aux urgences gynécologiques de Bordeaux quelques heures après une interruption volontaire de grossesse. Elle se plaint de fièvre et de maux de tête. Un interne l’examine, mais aucun antibiotique ne lui est prescrit. Elle est renvoyée chez elle.
Le lendemain, elle revient. Son état s’est aggravé. Elle apporte un courrier d’un médecin généraliste, qui recommande expressément une hospitalisation. Ce document ne sera pas pris en compte. Le médecin sénior ne l’examine pas, et la patiente reste prise en charge par une interne inexpérimentée. Elle attend. Longtemps.
Il faudra plus de quatre heures et demie avant l’administration du premier traitement antibiotique. Un retard fatal : la septicémie se généralise. L’urgence vitale est engagée. Priscilla Dray est plongée dans le coma. Elle survit, mais au prix d’une quadruple amputation.
Le procès a souligné une succession de négligences individuelles, mais aussi des failles dans l’organisation du service d’urgence. Le courrier d’adressage oublié, l’absence d’évaluation par un médecin confirmé, le manque de suivi… autant d’éléments que la justice a qualifiés de fautes « caractérisées ».
Ce lundi 14 avril, le tribunal a condamné les deux médecins. Le Dr Martial Dekhili a été condamné à six mois de prison avec sursis, assortis d’une amende de 8 000 euros. Son confrère, le Dr François Vandenbosche, plus lourdement mis en cause, écope de neuf mois de sursis, également accompagnés de 8 000 euros d’amende.